Dévotions ou dévotion, sentiment ou volonté. Une chose en effet est d’avoir un certain attrait pour telle ou telle prière, comme par exemple la récitation du chapelet, une autre d’avoir « le désir de se livrer promptement à ce qui concerne le service de Dieu », désir qui est à la base de la vie chrétienne. Cette définition de la dévotion, qui nous vient de saint Thomas d’Aquin (II-II, quest.82, art.1), est également à la base du commentaire qui suit et que nous livre avec beaucoup de finesse cet éminent chartreux qu’est dom Augustin Guillerand:
« La dévotion est affaire de volonté. La volonté fait l’être, elle est l’être. On est dans la mesure où l’on veut; et on est ce qu’on veut. Et c’est pourquoi Dieu seul est juge d’une âme et d’une vie; seul il voit dedans. Les effets extérieurs du vouloir peuvent être nuls, et cela pendant longtemps; les hommes, qui ne voient que ces dehors, jugent sévèrement; Dieu, qui va jusqu’à l’intime où l’on aime, répond à cet amour par l’amour. Dieu sait que les résultats extérieurs peuvent être dangereux, il les refuse; il se réserve ainsi des âmes dans le secret sanctuaire où on le trouve: « Prie ton Père qui te voit dans le secret » (Matthieu 6,6).
Pourtant il faut tendre à l’effort; il est requis, car l’amour est dans l’effort. Effort calme et tranquille, non pour se réserver à soi-même, mais au contraire pour se donner en plein, car tout excès diminue et sépare de Celui qui est Ordre et Mesure. Il faut aimer Dieu avec modération, pour l’aimer sans mesure. La modération est la mesure de Dieu. Ce que Dieu veut, c’est le don de soi; quand on a rien, on se donne en ne donnant rien. Si, à ces heures-là, on veut à tout prix donner quelque chose, on ne se donne pas et on se sépare.
Le secret de Marie, le secret de la sainte Famille est là, dans cette simplicité calme et mesurée. Ils faisaient ce que faisaient les autres, mais dans tout ce qu’ils faisaient, ils se donnaient pleinement. Ce don était le mouvement en eux de l’Esprit d’amour. Celui-ci les possédait et les menait entièrement. C’est à cette docilité que doit tendre une âme. »
(Écrits spirituels, tome 2, page 65)