Dom Guillerand poursuit sa conférence sur la prière du Notre Père en s’arrêtant sur l’adjectif possessif «notre» qui renferme une grande vérité trop souvent négligée. Écoutons de nouveau ce maître incontestable de la vie spirituelle:
« Nous ne disons pas seulement «Père», ni «mon Père», nous disons «notre Père». Le mot «notre» a un double sens: il signifie d’abord la possession ou la libre disposition, c’est un adjectif possessif: il signifie donc, dans la circonstance, que le Père auquel nous nous adressons est vraiment à nous; il nous appartient, nous pouvons en disposer: c’est stupéfiant, et cependant, cela est. (…) Dieu est vraiment notre Père, et il veut que nous lui donnions ce titre. Lui-même nous a donné le droit d’employer cette formule, de prononcer ce nom. Ce droit, nous ne l’avons pas par nature: par nature, nous sommes des créatures, des serviteurs; la filiation, le titre de fils, est un don, un don gratuit, une grâce absolument imméritée. Jamais, s’il ne nous l’avait appris, nous n’aurions pu l’employer. Mais il l’a dit, il l’a voulu; il veut que nous nous comportions en enfants; il veut que nos rapports avec lui soient de rapports de fils à père, que nous considérions son sein comme le sein d’un père et comme notre demeure.
L’adjectif «notre» a un second sens qui se rattache intimement au précédent. Nous ne sommes pas, nous, fils unique. Il n’y en a qu’un: Celui qui est son Image parfaite, qui le reproduit tout entier. Nous devenons fils si nous sommes en Celui-ci. De là, ces mots, ces recommandations du Fils unique: « Venez à moi (Matthieu 11, 28), Demeurez en moi (Jean 15, 4) ». De là, sa prière: « Père, faites qu’ils soient un, qu’ils soient en moi comme je suis en vous et vous en moi » (Jean 17, 22). Mais si nous répondons à ces appels, alors il vit en nous et nous vivons en lui, nous ne faisons qu’un: « Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Galates 2, 20).
Vous voyez aussitôt les conséquences. Notre voix n’est plus seulement notre voix, c’est la Voix aimée qui ravit le Père. En nous entendant, c’est Lui qu’il entend. »
(Écrits spirituels, tome 2, page 26 s)