Poursuivant son commentaire du Prologue de Jean, dom Guillerand en arrive aujourd’hui à commenter ces paroles concernant le Verbe: « le monde ne l’a pas connu ». Mais avant d’aborder la faute originelle comme telle, notre chartreux sent le besoin de s’étendre sur cette connaissance de Dieu que, selon lui, devait avoir le premier homme. D’où la division de son long commentaire en deux parties: avant et après la faute. C’est la première partie que nous vous présentons aujourd’hui:
Il était dans le monde, et le monde a été fait par lui, et le monde ne l’a pas connu (Jean 1, 10)
« Le disciple aimé avance peu à peu dans la présentation de Celui qu’il aime. Il l’a montré d’abord dans l’immense lumière du Père où il est engendré avant toute aurore, où il demeure éternellement. Il l’a montré source lui-même, en cette source infinie, source de toute vie et de tout être: « En lui était la Vie … tout ce qui a été fait a été fait par lui ». Il en est le principe; en lui tout est vie parce qu’il est la Vie même. Les êtres créés ne sont que des ruisseaux dérivés de cette source; ils la font connaître à ceux qui, dans cet ensemble créé, sont capables de connaissance. L’homme a reçu une lumière qui le rend capable de cette connaissance. Dans les êtres qui l’entourent, il peut percevoir deux choses: la réalité individuelle de ces êtres et la réalité de l’Être même qui leur a donné cet être qu’ils ont et qui le leur conserve.
L’homme contemple la fleur éclose au matin, et dans ses teintes découvre une image de la Beauté infinie dont elle n’est qu’un reflet. Il adore; il s’unit; et il demeure. La Lumière vraie lui a montré l’Être vrai, l’Être éternel: c’est la lumière du Verbe. Il est là dans ce monde qui est son œuvre. Il est dans les êtres qui le représentent et l’ignorent. Il est dans l’esprit de l’homme qui le découvre et lui ressemble. L’homme est donc armé pour le reconnaître et nouer avec lui ces rapports qui sont la vie supérieure des esprits. Il participe à la Lumière vraie qui le révèle. Il voit ce que Dieu voit. Il trouve dans sa raison naturelle ce rayon divin. Avec cette lumière naturelle, si douce et belle déjà, Dieu avait donné à Adam quelque chose de sa propre lumière, cette lumière dans laquelle il se contemple éternellement, qui est son image parfaite, qui ne fait qu’un avec lui, qui est précisément le Verbe même. Adam par grâce ne voyait pas seulement ce que Dieu voit, mais il le voyait en quelque sorte comme Dieu le voit, il ne voyait pas seulement l’Être qui est et qui donne d’être; il voyait l’Être qui aime et se donne, et qui lui communiquait à lui-même d’aimer et de se donner.
C’était la Lumière vraie, le sommet de toutes les autres: la Lumière de l’Amour. Elle éclairait le mouvement qui partait du cœur du premier homme, et elle lui révélait le cœur de Dieu qui en était le principe. En voyant ce mouvement en lui-même, Adam connaissait que Dieu « se mouvait » ainsi, que c’était sa vie, la vraie vie. Adam se retournait vers son principe présent en lui parce que ce principe lui communiquait ce mouvement qui était le sien. Lumière naturelle qui révèle en Dieu l’Être et le principe de tout ce qui est, lumière surnaturelle qui montre en lui l’amour et le principe de tout amour, cette double clarté, part du Verbe. Il est la « Lumière vraie qui éclaire tout homme »; tout homme ne voit que parce qu’il illumine intérieurement et dans la mesure où il l’illumine.
Mais l’homme n’a pas su reconnaître cette seule vraie clarté; et c’est par cette méconnaissance qu’il est devenu « le monde ». L’homme, éclairé par le Verbe, était au-dessus du monde; il était dans le monde pour l’élever jusqu’à son auteur; sa double nature faisait de lui l’anneau qui les reliait. Toute la nature inférieure était dans son corps, tout son corps uni substantiellement à son âme pouvait s’unir à Dieu. En lui, tout le monde pouvait rejoindre son Créateur. Mais l’homme, éclairé par le Verbe, uni au Verbe dans cette lumière, ne devait voir et chercher que Dieu dans tout ce monde. Son regard d’âme devait dépasser ces ombres pour rester uni à la vraie lumière. La faute consista dans un mouvement qui le détourna de Dieu. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 109 ss)
Merci Que le seigneur fasse miséricorde pour nous
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Amen
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