La vie sur terre est une bataille … rien de plus évident pour qui l’a vécue quelque peu. Mais qu’en est-il de la vie spirituelle et plus particulièrement de la vie de prière? Laissons à notre ami chartreux, dom Augustin Guillerand, le soin d’y répondre adéquatement:
« Dieu veut faire circuler en nous son Esprit qui est amour ou don de soi, et il nous trouve entre les mains d’un autre esprit qui est égoïsme. Ce négatif doit disparaître. Il ne cède qu’à la lutte. La vie est une bataille: la bataille de Dieu contre le mal. Une âme où on ne se bat pas est une âme perdue sans espoir. Une âme qui ne prie pas est une âme battue sans combat. La paix règne en elle, mais c’est la paix des pays soumis par l’envahisseur et résignés à sa domination.
Ce qu’il faut reprocher aux écrivains spirituels, ce n’est pas de se répéter, c’est plutôt d’avoir peur de le faire. Nous vivons à une époque de savoir plus que d’intelligence. La raison et la mémoire sont à l’honneur; on écrit pour elles, pour les emplir de notions; on ne songe plus à enrichir son âme et à approfondir sa vie. Nous sommes à l’ère des ouvrages de vulgarisation et des articles de revue; il faut être au courant de tout et pouvoir dire son mot sur le dernier ouvrage ou la découverte la plus récente. Les esprits ressemblent à ces parterres artificiels des jours d’apparat où l’on dispose des fleurs dont on jouit sans les avoir cultivées, sans savoir leur nom … et qu’on aura oubliées demain.
La prière, sa nécessité, sa grandeur, les immenses bénéfices qu’elle procure, sa douceur féconde, la gloire qu’elle assure à Dieu, son rôle dans le monde … il ne faut pas seulement avoir lu et compris cela un jour, il faut y revenir sans fin, se le redire à chaque instant et en vivre. Ainsi font l’Esprit Saint dans la bible, l’Église dans ses offices, les saints dans leurs oraisons quotidiennes et leurs incessantes méditations. Il nous faut remonter sans cesse de la beauté des choses à la Beauté essentielle d’où elles procèdent, de la faiblesse de notre nature tombée à la forte tendresse de Celui qui s’est fait notre Rédempteur et qui s’offre à nous reprendre en lui, de la continuelle menace que le monde et le démon font peser sur nous au continuel secours dont nous enveloppe Celui qui veut nous arracher à leur tyrannie. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 16 s)