« Ils n’ont plus de vin » (Jean 2,3)
Voyager avec des étrangers nous oblige quasiment à engager une conversation pour briser un silence gênant mais avec des intimes c’est tout le contraire. Dom Guillerand, en commentant le récit des noces de Cana, attire notre attention sur l’union profonde qui existait entre Jésus et sa mère:
« Ils n’ont plus de vin. dit Marie. Nulle explication, nulle demande. La Vierge dit une situation; elle le fait dans le moins de mots possible; ce devait être l’usage de la maison où grandit le Verbe qui écrase tous nos mots. On y vivait par le dedans; on y parlait un langage intérieur, tout spirituel; on se comprenait sans paroles, par le mouvement même des âmes que des sensibilités parfaitement ordonnées traduisaient sans le déformer. C’est dans cette union intime qu’il faut comprendre les mots échangés ici, et ce qui à première vue semble dur dans la réponse du divin Maître (« Femme, qu’y a-t-il entre toi et moi? »). Cette réponse est une suite; elle fait partie d’un ensemble qui l’explique. On ne peut pas la considérer comme une attitude nouvelle, inusitée dans les rapports de ces deux êtres qui n’ont vécu que l’un dans l’autre et l’un de l’autre. Marie dit à Jésus: « Ils n’ont plus de vin », comme elle lui disait chaque jour: « C’est l’heure du repas ». Elle se fait toute impersonnelle pour mieux se tenir dans cette personne qui est son fils et qui est l’Infini. Si grand qu’il soit, elle ne le voit pas dans un nuage; leur vie se passe toute dans la réalité concrète des incidents de chaque jour. En ce moment, elle connaît une situation pénible pour cette famille qui les accueille; elle le dit.
Ce qu’elle dit, Jésus le sait; mais elle n’hésite pas à lui dire ce qu’il sait; elle n’a pas à le lui apprendre, mais à intervenir dans une activité qui veut cette intervention, et qui la veut avec toutes ses circonstances. Ces brèves paroles et leur caractère appartiennent à un plan qu’ils doivent réaliser, et qui commande toute leur vie. (…)
Marie fait appel à ce plan et à ce que son Fils doit accomplir sur ce terrain où elle le suit. Elle n’est donc ni surprise quand Jésus s’y place («Mon heure n’est pas venue»), ni affectée par la façon dont il le fait. Tout, jusqu’aux moindres détails, est voulu par la volonté qui commande et accorde la leur, et qu’ils aiment comme la leur, plus que le vouloir inférieur de leur sensibilité. Si ce vouloir inférieur est blessé, il l’est comme au Calvaire; mais la blessure est ordonnée à un but qui les ravit. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 167s)
Merci pour ce merveilleux article ! Comme c’est beau, cette union si intime de la Mère et du Fils, tous deux en communion dans le Mystère divin du Salut, qui au fur et à mesure se révèle à eux, et les ravit, bien au-delà de la blessure purement humaine et des contingences du quotidien, pourtant si présentes ! Merveilleuse simplicité dans cette obéissance totale à la Volonté divine !
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