Messe privée (Grande Chartreuse, France)
« Un jour, je reviendrai vous prendre avec moi, et là où je suis vous y serez vous aussi » (Jean 14,3). Ces paroles, adressées par Jésus à ses apôtres la veille de sa mort en prévision de son retour à la fin des temps, sont reprises par dom Guillerand et (il fallait s’y attendre) en un sens très intimiste: le Christ ressuscité revient durant notre vie mortelle pour nous sanctifier et nous assimiler à lui. Une exégèse personnelle qui rejoint néanmoins une façon tout à fait normale de comprendre la vie spirituelle et qui mérite notre attention:
« Les souffrances du Christ l’assimilent au Père: «Ce que mon Père me demande, je le fais.» Ce qui compte et ce qu’il faut voir dans sa Passion c’est cette assimilation, et c’est le mouvement qui le fait plonger dans les vouloirs de son Père pour ne faire qu’un avec lui. Mais il n’abandonne pas pour autant ceux qu’il aime. Eux aussi doivent être assimilés. Et pour s’assimiler ils doivent faire ce mouvement qu’il va faire. Or pour accomplir ce mouvement, il faut avoir en soi le moteur qui est en lui, il faut avoir son Esprit, il faut aimer ce qu’il aime et comme il aime, il faut être emporté par le souffle qui l’anime. (…) Jésus reviendra pour cette révélation qui les assimilera à lui et qui les fera vivre en lui comme lui-même vit dans le Père. Mais il ne peut revenir que s’il part. Son départ les fera participer à sa Passion; elle ouvrira leurs âmes à son Esprit. (…)
Il revient pour réaliser individuellement cette assimilation opérée en masse dans l’humanité qu’il a assumée. Il revient prendre et transformer ceux qui sont siens par amour, mais dont l’amour n’a pas encore assimilé tout l’agir, qui restent encore en face d’eux-mêmes, qui n’on pas encore brisé l’enveloppe du corps. Il revient pour la briser par son Esprit. Il revient pour que cet Esprit qui est sa demeure, la demeure où il ne fait qu’un avec son Père, devienne leur Esprit et fasse en eux ce qu’il fait en lui, l’union parfaite. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 424 s)