Difficile pour nous de saisir toute l’importance de l’Ascension du Seigneur pour notre foi chrétienne. Il ne s’agit pas simplement de « disparition » mais de « session », car après nous avoir quitté, l’Homme-Dieu « s’est assis à la droite du Père », c’est-à-dire que la nature humaine fut alors glorifiée d’une gloire dépassant même celle des anges bienheureux ! Fils d’homme, Jésus nous apparaît ainsi davantage comme Fils de Dieu. C’est précisément ce point de notre foi catholique qu’aborde, dans un sermon, ce théologien hors pair que fut le pape saint Léon le Grand. Écoutons-le :
« Dans la solennité pascale, la Résurrection du Seigneur était la cause de notre joie ; de même, sa montée au ciel nous donne lieu de nous réjouir, puisque nous commémorons et vénérons comme il convient ce grand jour où notre pauvre nature, en la personne du Christ, a été élevée plus haut que toute l’armée des cieux, plus haut que tous les chœurs des anges, plus haut que toutes les puissances du ciel, jusqu’à s’asseoir auprès de Dieu le Père. (…)
Les saints Apôtres eux -mêmes, fortifiés pas tant de miracles, instruits par tant de discours, avaient cependant été terrifiés par la cruelle passion du Seigneur et n’avaient pas admis sans hésitation la réalité de sa résurrection. Mais son Ascension leur fit accomplir de tels progrès que tout ce qui auparavant leur avait inspiré de la crainte, les rendait joyeux. Ils avaient dirigé leur contemplation vers la divinité de celui qui avait pris place à la droite du Père. La vue de son corps ne pouvait plus les entraver ni les empêcher de considérer, par la fine pointe de leur esprit, qu’en descendant vers nous et qu’en montant vers le Père il ne s’était pas éloigné de ses disciples.
C’est alors, mes bien-aimés, que ce fils d’homme fut connu, de façon plus haute et plus sainte, comme le Fils de Dieu. Lorsqu’il eut fait retour dans la gloire de son Père, il commença d’une manière mystérieuse, à être plus présent par sa divinité, alors qu’il était plus éloigné quant à son humanité. C’est alors que la foi mieux instruite se rapprocha, par une démarche spirituelle, du Fils égal au Père ; elle n’avait plus besoin de toucher dans le Christ cette substance corporelle par laquelle il est inférieur au Père. Le corps glorifié gardait sa nature, mais la foi des croyants était appelée à toucher, non d’une main charnelle mais d’une intelligence spirituelle, le Fils unique égal à celui qui l’engendre. » (Sermon pour l’Ascension, Sources chrétiennes, 139-141)