
«Pais mes brebis» (oeuvre de James Tissot)
Dans l’Église, tout comme en général parmi les humains, la diversité des personnes se voit surtout dans cette répartition entre les actifs et les contemplatifs, les hommes politiques et les penseurs, les jésuites et les chartreux, les Jean Vanier et les Élisabeth de la Trinité, les Pape François et les Pape Benoît XVI, etc. etc. Sans oublier, dans le groupe des apôtres, ces deux individus si proches mais si différents que furent Pierre et Jean. Mais toutes ces personnes sont-elles vraiment et totalement d’un côté ou de l’autre? En tant que croyants, pouvons-nous prendre place dans ces deux genres de vie apparemment opposés? Laissons à saint Augustin le soin de clarifier cette distinction qui risque d’être mal comprise:
« L’Église connaît deux genres de vie qui lui ont été révélés et recommandés par Dieu. L’une de ces vies est dans la foi, l’autre dans la vision; l’une pour le temps du voyage, l’autre pour la demeure d’éternité; l’une dans le labeur, l’autre dans le repos; l’une sur la route, l’autre dans la patrie; l’une dans le travail de l’action, l’autre dans la récompense de la contemplation. (…)
La première est symbolisée par l’Apôtre Pierre, la seconde par Jean. La première est en action jusqu’à la fin du monde, avec laquelle elle trouve sa propre fin; la seconde doit attendre son accomplissement après la fin de ce monde, mais dans le monde futur elle n’a pas de fin. C’est pourquoi il est dit à Pierre: Suis-moi, et au sujet de saint Jean: Si je veux qu’il reste jusqu’à ce que je vienne, est-ce ton affaire? Mais toi, suis-moi! (Jean 21, 22) . Suis-moi en supportant les maux temporels, à mon imitation; lui, qu’il reste jusqu’à ce que je vienne lui donner les biens éternels. (…) Suivre le Christ en allant jusqu’à la mort, c’est la plénitude de la patience; rester jusqu’à ce que le Christ vienne, c’est la plénitude de science qui doit le faire connaître. Ici, on supporte les maux de ce monde sur la terre des mourants; là, on verra les biens du Seigneur sur la terre des vivants. (…)
Mais que personne ne sépare ces glorieux Apôtres. Tous deux se rejoignaient dans ce que Pierre symbolisait; et en ce que Jean symbolisait, tous deux se rejoindraient plus tard. C’est symboliquement que l’un suivait et que l’autre restait. Par la foi, tous deux supportaient les maux présents de cette vie malheureuse, et tous deux attendaient les biens futurs de la béatitude. Ce n’est pas eux seulement, c’est toute la sainte Église, l’épouse du Christ, qui agit ainsi: elle doit être délivrée de ces épreuves d’ici-bas, elle doit demeurer dans la félicité d’en-haut. Pierre et Jean ont figuré ces deux vies, chacun pour l’une des deux. Mais en réalité, tous deux ont suivi la première, passagèrement, par la foi; et tous deux jouiront de la seconde, éternellement, par la vision. » (Commentaire sur l’évangile de Jean, CCL 36, 685-687)