et les siens ne l’ont pas reçu » (Jean 1,11)
Alors que l’Incarnation du Verbe est le moment le plus historique de l’histoire humaine, lui fait pendant la situation la plus tragique de cette histoire: le refus opposé à cette venue. Dom Augustin Guillerand, dans son commentaire du 4e évangile, le décrit ainsi:
« Dans le monde qui lui appartient tout entier, le Verbe s’est choisi une terre et un peuple dont il a fait plus spécialement sa terre et son peuple. C’est là qu’on devait attendre et préparer sa venue. Les Juifs sont séparés des autres peuples pour jouer ce rôle. Leur histoire est étrange, leurs idées à part; tout les isole et forme comme une barrière entre eux et les nations qui les entourent. Souvent vaincus, soumis, conquis, exilés, transportés en masse à l’étranger et remplacés par ces étrangers sur leur propre territoire, ils ne se mêlent pas aux autres. Une littérature, un corps de doctrine, des rites particuliers les distinguent. Une espérance invincible, basée sur des promesses divines qui sont leur raison d’être les anime tous et partout, les fait conquérants de leurs vainqueurs.
C’est dans cette propriété, dans cet enclos réservé, dans ce fief choisi, que le Verbe s’est présenté. D’un mot effrayant l’évangéliste décrit l’accueil : « et les siens ne l’ont pas reçu ». Ils sont à lui; ils sont son oeuvre; il les a faits; il leur a donné d’être un peuple à part; ils lui appartiennent à tous les titres qu’on puisse imaginer. (…)
Il faut songer que tout au long des siècles ce refus se renouvelle … et que l’Amour repoussé ne cesse de frapper à la porte des coeurs. Il faut penser aussi que c’est un passant qui s’offre à pleine âme, mais qui ne revient pas. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 112 s)