Calvaire à la Grande Chartreuse (France)
En ce vendredi précédant la Semaine Sainte, voici un beau texte de dom Augustin Guillerand sur le rôle de Marie dans le mystère de la Rédemption. Jésus y est présenté comme le Miroir de Dieu et Marie comme le miroir de Jésus; ne perdons pas de vue cette façon qu’a dom Augustin de nous parler de l’interaction entre Jésus et sa mère. Il faut lire ce texte lentement … et s’arrêter assez souvent pour en goûter tous les fruits.
«Près de la croix de Jésus se tenait Marie, sa mère» (Jean 19,25)
« Marie regarde et suit tout pour tout recevoir. C’est un des sens des mots «près de la croix». Et c’est une des raisons de cette position que l’attention chrétienne a justement notée: debout et tout près. Elle ne doit pas perdre un mouvement ni une douleur; elle ne reproduirait pas complètement. Elle est habituée à ce regard soutenu qui jamais ne se détourne ni ne fléchit; ce regard a été sa vie. Elle eût cessé de vivre s’il eût cessé. Il a été fixé par l’Immaculée Conception; l’ange l’a saluée quand il l’a nommée «pleine de grâce». La tendresse maternelle en a accru sans cesse la fixité intense; la Passion, le désir de compatir pour garder, prolonger, transmettre, faire revivre, fonder une nouvelle famille, donner des frères à Jésus et des fils à son Père, lui font à cette heure quelque chose que nul mot ne peut exprimer …
Pour Marie, à cette heure, le divin rayon à travers ce supplice, cette croix, cet abandon si complet, est un rayon direct. Le divin objet (Jésus) est dépouillé: il ne lui reste plus qu’elle (Marie) qui n’est pas obstacle certes et que d’ailleurs il se prépare à donner. Plus rien de créé. Le créé jusque-là ne l’a jamais occupé mais enveloppé. Lui aussi, pour nous, touchait du pied le sol et vivait notre vie, comme elle le fera encore, toujours pour nous, pendant quelques années. Maintenant, c’est l’heure du passage, du retour. Il se sépare, se distingue de tout ce qui est ténèbres; il s’élève au-dessus; il est en pleine clarté; il s’y fixe. La croix le soutient, la croix longtemps obscure et désormais resplendissante de lui pour les siècles.
C’est en face de cette clarté, de ce resplendissement que Marie se tient «près de la croix». C’est cela qu’elle veut reproduire parfaitement et nous montrer et enfanter en nous, c’est la Lumière qui éclaire la vie et vivifie tout et tous: « Celui qui me suit ne marche pas dans les ténèbres mais il aura la lumière de la vie » (Jean 8,12).
Marie regarde cette lumière, s’en remplit; elle n’est plus que miroir pour la refléter, comme Jésus pour refléter son Père. Et c’est en se faisant reflet qu’elle achève d’enfanter, d’être mère. Aussi saint Jean, qui a tout suivi, tout compris, tout voulu, tout vécu, tient à rappeler son titre: « Près de la croix de Jésus se tenait Marie, sa mère.» C’est la dernière fois; sans se détourner de lui, pour le montrer, elle va devenir la mère des hommes. »
(Écrits spirituels, tome 2, page 94 s)
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