Détail de la fresque du Jugement dernier (Fra Angelico)
Se réjouir du bien de l’autre, de son succès, n’est pas toujours facile car nous nous croyons facilement lésé par l’honneur accordé à l’autre, surtout si cette personne fait partie de notre entourage. Que voulez-vous, la nature humaine est ainsi faite! Il nous est par contre facile de nous réjouir du succès de notre enfant ou de notre équipe sportive favorite car leur gloire rejaillit en quelque sorte sur nous.
La vie d’ermite urbain, malgré toutes ses consolations intérieures, ne me dispense pas d’expérimenter de temps à autre des déprimes surtout lors des bilans périodiques de ma vie personnelle (et Dieu sait qu’à un certain âge ces bilans se font plus fréquents et plus pressants!). Un regard honnête sur soi-même ne peut qu’être bénéfique car il nous fait voir nos limites: qui suis-je vraiment … et où vais-je? Or, c’est dans ces moments que j’ai découvert une source de joie inédite, celle de se réjouir du bien et de la vertu qui existent chez les autres. Un saint moine russe, Silouane, aimait se voir en Enfer pour combattre les tentations d’orgueil … mais, il s’y réjouissait du bien de ceux et celles qu’il savait au Ciel et aussi du fait que la justice de Dieu y trouvait son compte. Aucun danger à faire cet exercice car la joie et la damnation ne peuvent coexister!
Se réjouir de Dieu ou se réjouir des autres fait donc entrer dans une atmosphère d’humilité qui est source de joie spirituelle. Nous comprenons mieux alors que le Purgatoire a pour but de nous détacher de nous-mêmes et de nous oublier totalement afin de ne vivre que pour le Bien et le Vrai. N’est-ce pas ce que Fra Angelico a voulu nous faire comprendre dans sa fresque magistrale du Jugement dernier en nous représentant les bienheureux se tenant par la main, chacun se réjouissant du mérite de l’autre, et tous s’acheminant dans une joyeuse farandole vers le but de leur existence: la vision de l’Amour pur … la vision de Dieu?