Chartreuse de Marienau (sud de l’Allemagne)
Humainement parlant, nous sommes sereins lorsque nous sommes à l’aise dans notre peau, sans expérimenter trouble ou agitation. Mais la véritable sérénité est plus profonde que cela. En bon chartreux, dom Augustin Guillerand aborde la sérénité comme tout ascète doit le faire, c’est-à-dire en nous parlant du détachement. Pour lui, aucune sérénité n’est possible sans le détachement des réalités qui forment la trame superficielle de notre vie.
Détachement
« Le détachement est l’unique secret des sérénités vraies et durables. Elles résident dans le détachement des réalités et des événements éphémères qui forment la trame superficielle de notre vie. Toute cette surface nous laisse vides et déçus quand elle ne nous blesse pas. Nous avons besoin d’autres choses et nous allons d’instinct dans la seule réalité durable d’ici-bas qui est le fond de notre âme. Nous portons en nous, en effet, comme un germe primitif d’où part tout notre être et tous ses développements. Cette petite semence, en sa racine initiale, ne change pas. C’est elle qui assure la pérennité de notre être à travers l’incessant changement de chaque jour et de chaque heure. Elle est le don continu que nous fait de lui-même Celui qui est. Elle participe à son Immensité et à son Immutabilité. Quand nous nous détachons de tout ce qui passe et que nous descendons en ces profondeurs, nous nous sentons en dehors de l’éphémère et du rien, et nous goûtons une paix qui est Sa paix: « Je vous donne ma paix ».
Or Jésus nous a appris que ce lieu intime est le royaume du Père, que Celui qui y règne n’est pas seulement l’Être qui est mais l’Amour qui se donne. C’est son lieu à lui, le sein du Père, «in sinu Patris». C’est là qu’il nous appelle: « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le fardeau et moi je vous soulagerai ». Je vous ferai de nouveau. Là en effet s’opère une création continue. (…)
On se figure trop souvent que le détachement chrétien consiste à ne rien aimer. C’est horriblement inexact. Il n’y a jamais eu de cœur plus aimant que celui de Jésus; et nos cœurs doivent se modeler sur le sien. Aimer est le grand, et même l’unique, commandement. (…) Mais l’amour doit immoler tout ce qui l’empêche de se donner. Cette immolation, c’est le détachement. Le détachement est donc la face négative de l’attachement ou amour. »
(Écrits spirituels, tome 2, page 209s)