Les événements actuels, guerre et menace de guerre, ne sont pas propres à nous maintenir dans des sentiments de calme et de paix. En effet, notre vie superficielle nous occasionne trop souvent une méprise entre la paix intérieure profonde et l’impression d’être ou non en paix : les agitations de surface nous font croire à des troubles de fond. Que d’illusions malheureuses ! Laissons à dom Guillerand, le soin de nous en parler plus longuement:
« Nous n’avons pas perdu la paix de notre âme ; seule la surface en est agitée. Mais nous avons tellement l’habitude de vivre en surface, que les agitations de surface nous font croire à des troubles du fond. Ces secousses superficielles sont nécessaires et bienfaisantes; elles nous apprennent à vivre au fond ; elles nous font aimer et désirer et rechercher cette grande sérénité des âmes qui savent que Dieu est tout, qu’il aime nos âmes et que nos souffrances et nos troubles eux-mêmes deviennent, pour son amour, des moyens d’union. Nous apprenons, à ces heures-là, la nécessité de vivre unis à lui, et nous comprenons que l’union à lui ne se fait pas dans la sensibilité (puisqu’il est essentiellement Esprit) mais dans les profondeurs du vouloir spirituel qu’on ne voit pas, qu’on ne sent pas, et qui n’en est pas moins l’amour substantiel et vrai.
Ne nous étonnons pas, ne nous étonnons jamais de la méchanceté, ni de celle des autres ni de la nôtre. Mais voyons toujours, en face de cette méchanceté, la Bonté infinie qui est venue la guérir. Voyons tout cela dans le plan divin. Dieu aurait pu vouloir une humanité sans la faute et sans le mal. Mais il ne s’agit pas de ce qu’il aurait pu vouloir et faire, il s’agit de ce qu’il a voulu et de ce qu’il a fait. Le grand secret de la paix réside dans l’acceptation de ce vouloir. Mais il faut apprendre cette acceptation, comme on apprend toutes choses ici-bas. Les méchants sont des instruments entre les mains du Maître adoré. Ils nous mettent en face d’exercices et de vouloirs difficiles. La foi n’est pas enracinée tant qu’elle n’a pas lutté pour dire: « Mon Dieu, j’adore votre main et votre amour dans cet homme qui me fait tort, dans cette nature qui me heurte ».
La foi est la lumière qui découvre Dieu sous le voile des créatures. Il la faut bien vivre pour le voir à travers certaines créatures. Et pourtant il y est toujours. Jésus, sur la croix, ne disait pas : « Oh, que les hommes sont faibles et méchants » ! Il disait : « Mon Père, pardonnez-leur … ». La vie est complètement changée quand, en toute circonstance, surtout crucifiante, nous savons dire : « Mon Père ». C’est d’ailleurs très rare; en général, on voit la souffrance, la cause ou les instruments de la souffrance, les moyens de la supprimer, etc. Quand on a souffert soi-même, on commence à comprendre, non pas seulement combien Jésus a souffert (ce qui est déjà bien important), mais combien dans sa souffrance son regard dépassait la souffrance pour ne voir que Celui qu’elle glorifiait … et on saisit aussi combien il est difficile de s’oublier et d’arriver à ce suprême don de soi qui nous a sauvés. «
(Écrits spirituels, tome 2, page 237 s)