À l’exemple de saint Pierre qui, témoin de la transfiguration de Jésus sur la montagne, voulait prolonger ce moment de grâce, dom Guillerand se livre à de semblables sentiments lorsqu’il en arrive à commenter la communion eucharistique. « Gardez-moi » se rencontre plusieurs fois dans la prière qu’il met sur les lèvres de sa sœur âgée. Lisons attentivement cette avant-dernière méditation de son opuscule Liturgie d’âme alors qu’il nous ouvre son cœur de façon tout à fait spéciale:
« Seigneur Jésus, votre immolation m’a réaccordée avec Dieu; elle m’a fait rentrer dans la grande paix infinie de son sein; je vous y rejoins, vous le Fils unique qui l’emplissez à jamais. Maintenant plus rien ne s’oppose à notre union. Mes fautes passées, mes faiblesses présentes et mes craintes à venir ne m’arrêtent pas et ne m’effrayent pas. Sans doute, je ne suis pas digne de vous recevoir, mais vous n’avez qu’un mot à dire pour opérer guérison complète. Vous êtes meilleur que je ne suis mauvaise et plus fort que je ne suis faible. Vous êtes le Créateur, c’est-à-dire Celui qui fait quelque chose de rien; c’est votre privilège de travailler sur le néant; c’est là qu’éclate votre Toute-Puissance. Est-ce pour cela que vous avez permis la chute première et que vous permettez encore tant de fautes quotidiennes? Le néant révolté est plus complet que le néant créé; le relever est plus glorieux … et vous êtes le Rédempteur.
« Venez à moi … et je vous referai » (Matthieu 11, 28). Votre appel d’amour couvre la voix de ma misère. Je vous écoute; je viens! Je vous suis par delà les apparences, dans la Vérité. Je vais à vous jusqu’à l’extrême anéantissement de ma vie propre et de mon égoïsme étroit, et je trouve la vraie vie et le véritable amour. Je trouve mon moi divin, ma physionomie éternelle, mes traits d’enfant de Dieu. Je trouve cela en vous. Le péché avait recouvert ces traits d’un masque hideux à l’image du diable. C’est ce masque que j’ai rejeté en vous rejoignant dans le sacrifice. Je croyais me perdre et mourir: je tuais en moi la mort et je gagnais la vie. Me voilà refaite, ressuscitée, recréée. L’œuvre de votre amour rédempteur est accomplie en moi.
Maintenant, gardez-moi. Que votre Corps me conserve dans la vie éternelle. Gardez-moi avec vous dans l’immolation et le sacrifice. La mort m’a quittée; je l’ai, en vous accueillant, mise dehors. Mais elle m’entoure encore; Satan vaincu n’a pas abandonné la lutte. Il est la haine; la haine ne désarme pas … Gardez-moi! Vous êtes dans mon âme un germe de vie éternelle; vous voulez devenir fleur épanouie et à jamais féconde. Vous voulez vivre et c’est là ma vie, car nous ne faisons plus qu’un. Gardez-moi, cela veut dire: gardez-vous en moi, vivez en moi, croissez en moi, prenez en moi toute votre taille, tout ce développement que le Père a contemplé et aimé de toute éternité et qu’il attend pour me faire place au foyer.
En attendant, gardez-moi dans ce foyer intime qu’il possède au plus profond de moi-même; gardez-moi dans un regard de plus en plus habituel et aimant sur lui qui me regarde si constamment et si tendrement. N’est-ce pas cela la vie éternelle, votre vie à vous et sa vie à lui, dans la grande union de votre amour qui vous lie si intimement que vous ne faites plus qu’un seul et même Dieu?
Seigneur, je crois, je vois, je sens que c’est là le terme rêvé par votre tendresse et que je n’ai qu’à m’y tenir, à apprendre à m’y tenir. C’est le foyer, c’est la patrie, c’est le sein infini d’où je suis sortie, où je rentre avec vous. Que votre Corps sacré me garde là, dans la vie éternelle et dans le sacrifice qui la procure et la protège! »
(Écrits spirituels, tome 2, page 131 s)
Keep me too, I beg You my Lord. You can keep us all. Amen.
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Merci pour le partage de cette magnifique méditation priante cher Frère Jacques ! Saint et joyeux Temps Pascal !
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Et à vous aussi, chère sœur!
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