Menacé de mort par la reine Jézabel, Élie, prophète d’Israël, se retrouve au désert, assoiffé, affamé et en proie à une forte déprime. Réveillé de son sommeil par l’Ange du Seigneur qui lui offre de prendre de la nourriture, il se rendort peu après pour être de nouveau réveillé: « Lève-toi et mange, autrement le chemin sera trop long pour toi » (1 Rois 19, 7). Fortifié par cette nourriture, Élie se met alors en route vers la montagne de l’Horeb où il sera favorisé de la rencontre avec Dieu.
Nous sommes tous en marche vers la montagne de Dieu et notre route, tout comme celle d’Élie, est semée d’embûches: faiblesse, échec, angoisse, lassitude, rien ne nous semble être épargné pour nous décourager! Néanmoins, dans son immense pitié, Jésus (tout comme l’ange d’Élie) nous offre une nourriture céleste, son eucharistie, appelée adéquatement «panis viatorum» (pain des voyageurs).
Malheureusement, au cours des siècles, l’eucharistie n’a pas toujours été bien comprise: de sacrement offert à tous les disciples, le soir du Jeudi Saint, il est devenu peu à peu (dans l’Église occidentale) le pain offert aux justes … et, au temps du Jansénisme, un pain que les justes n’osaient recevoir que très rarement. Un pain qui deviendra peu à peu objet d’adoration plutôt que de manducation; un pain que l’on se plaira à désigner comme pain des anges (« panis angelorum »). « Que chacun donc s’éprouve soi-même, écrit saint Paul aux Corinthiens en parlant de l’eucharistie, car celui qui mange et boit, mange et boit sa propre condamnation s’il n’y discerne le Corps » (1 Corinthiens 11, 29). La faute des Corinthiens était de traiter l’eucharistie comme un pain ordinaire, sans y discerner le Corps du Christ. Que de fausses interprétations de ce texte se sont ajoutées au cours des siècles pour en arriver à faire naître dans le peuple chrétien une crainte plus que révérencielle envers ce sacrement et en à restreindre l’accès à une certaine élite!
Confrontés à une baisse sans équivoque de l’assistance à la sainte messe, les derniers papes invitent les curés à devenir missionnaires en « ouvrant les portes de la sacristie pour sortir à la recherche des brebis perdues ». Bien! Excellent! mais n’y aurait-il pas lieu de faciliter également l’accès à l’Eucharistie en en favorisant l’accessibilité pour tous, quelque soit le degré de ferveur? « Lève-toi, et mange » … et si on laissait à la grâce de l’Esprit Saint la tâche de fortifier intérieurement ces « voyageurs » qui peinent à reprendre leur souffle?