Ancienne chartreuse de San Francesco (Turin)
En septembre 1929, dom Guillerand est nommé «vicaire» (confesseur et supérieur religieux) des moniales chartreuses de San Francesco en Italie. Il se donne entièrement à ce nouveau ministère et va s’y épanouir durant cinq ans. Voici un texte qui nous rejoint en cette année jubilaire de la divine Miséricorde qui va débuter le 8 décembre:
LOUANGE À LA DIVINE MISÉRICORDE
( dom Guillerand se met dans la peau d’Adam après la faute originelle) « Je ne comprends pas parce que je suis tombé dans la misère; je suis un déchu, j’ai quitté les hauteurs de l’être où vous m’aviez posé en me créant. Je n’ai pas su rester à ce niveau divin qui me mettait bien en face de vous pour accueillir et reproduire le mouvement de votre Esprit, pour m’emparer de lui et de son chant dans toutes les notes créées qui le reproduisaient sans le savoir. J’avais reçu la lumière qui montre ce don de soi en tout et l’élan conscient, éveillé, en pleine clarté qui le fait rentrer en vous. Je vous ai frustré de cette gloire et je l’ai voulue pour moi, et je l’ai réduite à la mesure de mon être propre qui n’est pas. Je suis resté dans ce néant et j’ai obligé tous les êtres que je devais porter vers vous à y rester avec moi.
Quelle perte pour tous! Les conséquences de la faute primitive, et dans une certaine mesure de toute faute, sont épouvantables, si on les comprenait. Jésus les a comprises et a plié sous le poids: «Mon Père, si c’est possible, que ce calice passe loin de moi!»(Mt 16,39) criait-il, abîmé la face contre terre et suant du sang par tout le corps, tandis que son âme agonisait. Il était descendu aux grandes profondeurs de ma misère, il l’avait prise pour me relever: à l’abîme de cette misère il opposait un abîme plus profond, celui de la Miséricorde.
Celui-ci est si profond, qu’il rejoint Dieu et que, par ce chemin, nous remontons au sommet perdu. Il nous conduit au terme. Il achève le mouvement et, sans prétendre régler ce mouvement, j’ai l’impression que nul terme ne convient mieux à l’Amour. Se donner au néant, c’est beau, c’est une manifestation de bonté, mais se donner à la misère, c’est mieux. Relever est plus «amour», plus «don de soi» que créer. La Rédemption, le sang divin coulant à l’agonie, au Calvaire, au prétoire, voilà le dernier mot de l’Amour … si l’Amour peut avoir un dernier mot! » (Écrits spirituels, tome 1, page 80)