Ma solitude urbaine m’apparente un peu à ces chercheurs de Dieu que sont les moines, spécialement ceux qui vivent dans une solitude bien prononcée comme par exemple les Chartreux. « Un peu » car mes contacts avec la vie urbaine sont bien réels ; mais même les Chartreux ont besoin d’une certaine vie communautaire pour équilibrer leur vie silencieuse car, vivant chacun dans une maisonnette reliée aux autres par un corridor appelé cloître (voir ci-dessus), ils se réunissent trois fois par jour à l’église pour la célébration de certains offices liturgiques. Ils bénéficient également d’un repas communautaire le dimanche ainsi que d’une promenade hebdomadaire de groupe où ils peuvent échanger.
À regarder de plus près la photo ci-dessus (Chartreuse de Farneta, Italie), on se rend compte que leurs confrères décédés sont inhumés dans la cour intérieure du cloître avec pour tout monument une simple croix, sans aucune inscription: détachement de tout même dans la mort. Ces hommes ont découvert le secret de la solitude : une Présence divine qui les accompagne tout au long de leurs journées. En réalité, un ermite n’est jamais seul : son silence extérieur ne fait que lui permettre de dialoguer constamment avec Dieu.
La vie en ermitage n’est pas réservée aux seuls membres d’un ordre contemplatif, elle est également pratiquée de plus en plus par des chrétiens et des chrétiennes vivant dans le monde, même en milieu urbain. Les santés ne sont plus ce qu’elles étaient au 19e siècle ; l’austérité des ordres religieux empêche une foule de gens d’y entrer mais l’appel à la prière et au silence demeure bien vivant. Dieu n’est pas réservé à quelques-uns mais il est offert à tous !
En tant qu’ermite urbain, j’ai senti dès le départ la nécessité de me ménager non seulement un environnement silencieux qui puisse répondre à mes besoins de lecture et de prière mais aussi de me donner un horaire quotidien afin de bien répartir les diverses activités en vue d’équilibrer les besoins du corps et de l’esprit: une âme saine dans un corps sain ! Mais le plus important, surtout pour un néophyte, est de pouvoir compter sur une spiritualité qui a fait ses preuves : pensons à la spiritualité bénédictine, carmélitaine, franciscaine ou encore à celle des Chartreux. Personne ne peut s’improviser «ermite». Les présomptueux se sont souvent retrouvés dans la peau de personnes dévotes plus ou moins cinglées !
Ceci étant dit, la vie contemplative demeurera toujours «la meilleur part », la perle précieuse pour l’obtention de laquelle il faut tout sacrifier. Comment expliquer cet attrait ? « Ce que la solitude et le silence du désert apportent d’utilité et de joie divine à qui les aime, ceux-là seuls le savent qui en ont fait l’expérience » (Statuts de l’Ordre des Chartreux, chapitre 6).