« Personne ne peut effacer la dignité violée, le mal subi, la confiance trahie » a affirmé le Pape François lors de sa visite à Edmonton. Le pèlerinage pénitentiel du Souverain Pontife au Canada n’aura pas été une comédie mais une démarche courageuse, humble et sincère. Les torts n’ont pas été cachés mais dénoncés. La question des pensionnats autochtones aura fait couler beaucoup d’encre et malheureusement, comme il fallait s’y attendre, d’aucun en ont profité pour noircir davantage le rôle des religieux et religieuses impliqués. La question des sépultures d’enfants, entre autres, me semble avoir été mal comprise ; qu’en pensent vraiment les survivants autochtones ? Voici le témoignage de Jim Bissell, amérindien non catholique, qui me semble apporter un nécessaire éclairage sur la réalité des faits (merci à Isabelle Bégin O’Connor d’avoir transmis ce témoignage) :
Lettre adressée au chroniqueur Lorne Gunter du Toronto Sun, à la suite du terrorisme dont font l’objet les églises catholiques du Canada.
« Lorne, je suis vos écrits depuis de nombreuses années, et bien que je sois d’accord la plupart du temps avec vos opinions, même lorsque je ne le suis pas, je respecte tout de même votre façon de les présenter. C’est pour dire que je suis un « fan ». Le temps est venu pour les gens de 70 ans comme moi de dire la vérité. Un peu de contexte. J’ai grandi entouré de quatre réserves et une grande communauté de personnes indigènes (95 %). C’étaient des gens merveilleux, gentils, très généreux et très drôles, qui le sont demeurés même lorsque très pauvres. J’ai une merveilleuse fille indigène, qui a bien réussi dans la vie, ainsi que des petits-enfants et des arrière-petites-filles. Je ne suis pas catholique et je n’appartiens à aucune église. J’appartiens à moi-même et à ma famille, mais j’aime les valeurs chrétiennes. Il doit être dit que les missionnaires étaient des plus essentiels à notre réussite dans les communautés du Nord à cette époque. C’est une missionnaire qui m’a administré mon premier test de tuberculose, dans un effort d’enrayer une éclosion de cette maladie. (Je lui en voulais, sur le moment, pour les égratignures sur mon dos – LOL). C’est une merveilleuse religieuse qui m’a fait mes premiers points de suture ; un missionnaire qui a extrait ma première dent ; des religieuses qui m’ont fait passer mes premières radiographies. Ma première institutrice était un ange appelée sœur Rita. Je ne l’oublierai jamais, ni son amour profond pour les enfants qu’elle a rencontrés et auxquels elle a enseigné au fil des ans. Ma meilleure enseignante de toutes, et, selon les normes gouvernementales, elle n’était pas qualifiée. Ainsi, même si je n’ai jamais été catholique, leur Église a été très bonne pour moi, et même si j’ai maintenant appris l’existence d’un très mauvais prêtre, la plupart des gens étaient merveilleux. Je peux encore voir le frère Fillion, devenu plus tard prêtre, travaillant tout seul à l’extérieur de l’école en train de monter un merveilleux carrousel pour la cour d’école. Il y avait également deux pensionnats au sein de la communauté. Lorsque je suis arrivé dans la communauté, il n’y avait pas de téléphones, des chemins très pauvres, surtout pour leur accès, l’hiver, et très peu de services autres que ceux des églises. L’école de la mission était là bien avant moi. Les aînés m’avaient dit que bien des petits enfants malades, dont certains bien en-deca de l’âge scolaire, étaient laissés aux missions dans l’espoir que les religieuses puissent les guérir. Tristement, plusieurs sont morts de la rougeole, de la diphtérie, de la tuberculose, de la variole, de l’influenza et de bien d’autres conditions affligeant les pauvres. C’était simplement la réalité du Grand Nord. Des années avant, la plupart des cadavres étaient placés dans des arbres pour que les oiseaux et les autres animaux puissent les réintégrer dans la nature. C’étaient les églises qui les ont convaincus que cette partie de leur culture devait être changée de sorte à endiguer la propagation de la maladie, alors ils ont commencé à les inhumer. Si les défunts étaient chrétiens, leur tombe était marquée d’une roche peinte ou d’une croix en bois, qui pourrissait en environ vingt-cinq ans. Personne ne pouvait se payer une pierre tombale, et s’ils le pouvaient, personne ne les fabriquait dans ce temps-là.
Les temps étaient difficiles et, au fait, désespérés, dans les années 1930. Bien des gens étaient redevables aux missionnaires pour leur survie et on a tendance à l’oublier. Ils n’avaient pas toujours raison, non, bien sûr que non, mais ils voulaient sincèrement éduquer, nourrir et améliorer la vie de toute personne, quelle que soit son origine. Les églises n’ont pas besoin de s’excuser pour avoir essayé d’éduquer les pauvres ; elles doivent s’excuser, toutefois, d’avoir protégé et déplacé les pommes pourries (certains prêtres). Que le gouvernement fasse des excuses est inutile. Il n’avait aucunement conscience de l’incidence de ses décisions, à l’époque, et c’est toujours le cas aujourd’hui. La grande part de la génération plus âgée qui a effectivement souffert est décédée depuis longtemps et a pardonné. Il me semble que plusieurs de la génération nouvelle cherche à se dire victime de sorte que l’argent puisse atténuer leur douleur. Il faut comprendre que la plupart des gens ne voulaient pas vivre dans le Grand Nord, si isolé à l’époque, simplement pour aider quelques personnes indigènes. Après que le gouvernement fédéral ait pris en charge le système scolaire, la plupart des mes enseignants, au secondaire, étaient des immigrants du Commonwealth britannique (Inde, Angleterre, Irlande et autres), puisqu’aucun enseignant albertain ne désirait vivre en ces contrées isolées et difficiles, alors qu’ils pouvaient vivre dans une ville ou près d’une ville dotée d’un médecin, d’une banque, d’une bonne épicerie, d’une ambulance et ma foi, même d’un policier. La qualité de mon instruction a souffert parce que tout d’un coup, en 1967, les religieuses n’étaient pas qualifiées pour nous enseigner, et ainsi je devais tenter d’intégrer des leçons de la part d’un enseignant ayant un très fort accent, très difficile à comprendre, et impatient de déménager en contrée urbaine dès que possible.
Une chance que les missionnaires ont été là pendant les trois cent ans qui ont précédé. Étaient-ils tous bons ? Non, mais plusieurs étaient merveilleux, et maintenant cela semble être oublié. Combien des critiques actuels ont des membres de leur parenté qui se sont rendus auprès de ces communautés pour tenter d’apporter de l’aide ? Je parierais qu’il n’y en a pas beaucoup. Les médias ne sont intéressés à raconter que la moitié de l’histoire, alors je sens qu’en tant que témoins directs, nous avons le devoir de dire la vérité. Si vous le désirez, je vous amènerai à une terre sacrée où des centaines de personnes ont été laissées dans les arbres ou encore simplement déposées sur le sol, après leur décès. Personne d’autre que la mémoire historique n’a marqué leurs tombes. Je vous prie de me croire lorsque je vous dis que les missionnaires n’étaient pas de sombres personnages tueurs d’enfants comme les médias le portent à croire aujourd’hui. Ce n’est pas ce que j’ai observé ni vécu. Les missionnaires savaient que les peuples anciens de nos terres ne pouvaient pas continuer d’exister en tant que société nomade et isolée, alors ils ont tenté de les éduquer, et bien sûr, de changer leur culture pour la rendre plus compatible avec les conditions de l’époque. Avaient-ils raison ? Peut-être, je ne le sais pas. Mais au moins ils avaient la volonté d’essayer d’aider. Comme je le dis à mes enfants, je ne peux pas être un Indigène comme eux, mais ils peuvent devenir des Canadiens comme moi, et ils le sont. Il y a encore plus d’histoires de réussite que vous ne pouvez l’imaginer.
Les missionnaires n’ont pas simplement jeté des corps dans le sol. La plupart était marquée d’une petite croix en bois confectionnée par les frères de la mission ou par les parents de l’enfant. Ces croix sont disparues depuis longtemps. Triste mais vrai. Je peux également vous amener aux tombes anonymes de bien des gens qui n’étaient pas indigènes, si vous le désirez. C’était simplement la façon de faire dans le Grand Nord. Désolé de radoter si longuement, mais de nombreuses choses doivent être dites, et si les aînés de notre société n’ont pas le courage de les dire, notre sort est scellé. Je vous prie d’encourager les gens à se lever et à se faire entendre autant pour le bien que pour le mal. Merci et continuez d’écrire. »
Jim Bissel
Merci monsieur, je suis très émue de votre témoignage d’où transparaît une réelle reconnaissance du travail accompli , plein d’amour vrai, de délicatesse et surtout de respect des personnes leur redonnant une dignité humaine jusqu’après la mort .
Aujourd’hui, le »bon ton » est, semble t’il , de hurler avec les loups afin de dépecer le bien pour tout détruire.
Oui le mal existe mais il ne se reconnaît qu’en comparaison avec le bien accompli. Et, plus le bien est grand, plus le mal s’acharne à se monter en épingle.
Merci à ce témoin du bien, du beau et du bon.d’avoir eu le courage de parler .
Peut-être serait-il bien ,non pas de nier le mal mais de ne pas oublier de parler du bien qui, on le sait bien, se fait sans faire de bruit .
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La nature humaine, blessée par le péché, aura toujours de la difficulté à s’éloigner de la recherche du sensationnel. Ainsi va la vie !
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Me vient une pensée, le mal ne pourrait exister si le bien n’existait pas , n’est ce pas ? On ne peut voir le mal qu’en comparaison au bien… C’est pour cela qu’il fait tant de bruit autour du bien, pour qu’on s’aperçoive qu’il existe … Il a besoin de détourner notre regard…😏 En fait, il vit au dépend du bien me semble t’il… comme l’ombre vit au dépend du soleil.
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Well done to the Indigenous gentle soul who wrote this article! And I thank him.
I do NOT say the same for the representative of the Church vesting Canada..
I am constantly amazed by these (less than sincere – sensation seeking rather) « one-sided apologies » – never, never a reciprocal « APOLOGY » from the other side! For the murder, mayhem and theft across the world (not referring to Canada necessarily).
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Pope Francis didn’t have any choice since he was begged and even harassed by our Prime Minister to come and humiliate himself (and the Church) for the sake of Reconciliation. Also, the First Nations are a very silent and timid people and runned by outspoken chiefs not well versed in history. Personally, I dont think Reconciliation is for tomorrow … the whole truth has to come out first, truth and not urban legends that are so easily spread.
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Ana st Paul, vous m’invitez généreusement à visiter votre site mais je ne lis pas couramment l’anglais sinon quelques mots je suis donc au regret de ne pas répondre favorablement. Merci toutefois d’apprécier mon commentaire.
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Génocide culturel: le Capital ou la Croix?
D’aucuns accusent, avec simplisme, le Christianisme, anglican ou catholique, d’être responsable du génocide culturel amérindien. Car, même Bergoglio, actuel ponte du Vatican, leur a emboîté le pas. De sorte que, désormais, il serait de bon ton de considérer la croix chrétienne comme un symbole aussi odieux que la svastika.
Or, à y regarder d’un peu près, plus encore que les excuses d’usage, fondées sur l’intimidation du pouvoir fédéral canadien, en termes de coupures de subventions, à l’égard des communautés religieuses réticentes à participer à ce programme d’élimination idéologique, il serait éclairant de considérer le sort, à la même époque, des canadiens-français.
En effet, c’est la moitié de la population canadienne-française qui a dû s’exiler aux U.S.A, pour survivre, entre 1840 et 1930, tant le Capital anglais a tout fait pour empêcher ce peuple d’occuper ses terres, dans la Belle province. Il n’est qu’à penser au rôle de la « British land company », qui fut la cause réelle de la rébellion de 1837-38, du fait de son obstination à ne pas vendre ses lots estriens aux canadiens, au profit des loyalistes, sans oublier le rôle des forestiers Price, dans la guérilla qui fut livrée aux habitants, pendant leur colonisation du Lac saint-Jean, à partir de 1840, ni omettre le chapitre de la colonisation de l’Outaouais, projet qui eut raison d’un Antoine Labelle, au plus grand profit des MacLeod , entre 1870 et 1890.
Certes, à la différence des amérindiens, nous parlons encore français au Québec, puisque nous avons, à force de ténacité, renversé ces puissances d’Argent. Car, nous disposions d’une infrastructure, l’Église, d’une civilisation conséquente, la France, et du Droit des Gens, en faveur de notre établissement primitif, le long des rives du saint-Laurent, sans parler de la menace d’une annexion américaine…
Néanmoins, nous avons payé, tout de même, notre entêtement de la moitié de notre population. Alors, que penser du sort des amérindiens, le plus souvent nomades, à l’égard des grands prédateurs britanniques, dont le gouverneur Murray, au début de l’occupation anglaise, pendant la décennie 1760-70, disait lui-même qu’ils étaient des voyous de la pire espèce? Aurait-on oublié la guerre bactériologique odieuse d’un Amherst, vers 1765, contre les indiens d’Ontario?
C’est pourquoi, il conviendrait, avant toutes choses, de fouiller plus avant les archives canadiennes du génocide culturel amérindien, pour y déterminer le rôle EXACT que les grandes familles prédatrices, britanniques le plus souvent, y ont joué, à l’instar d’un Cecil Rhodes, de sinistre mémoire, au Zimbabwe, anciennement Rhodésie, dont les partisans sont venus justement étudier le système des réserves canadiennes, pour en appliquer le principe dans les colonies anglaises du sud africain. A ce titre, on comprendra que, contrairement à la calomnie, ce sont plutôt les communautés chrétiennes qui ont tout fait pour ralentir, atténuer, voire sauvegarder les autochtones de la rapacité territoriale d’un Capital sans foi ni loi. Peut-être sera-ce plutôt le signe de piastre qu’il faudra honnir, en lieu et place de la croix, voire, qui sait, la svastika?….
Alain Rioux
M.A. philosophie
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