L’entretien de Jésus avec la Samaritaine (Jean 4, 1-42) a toujours fasciné les lecteurs du 4e évangile. C’est une page sublime où saint Jean se surpasse dans la description de la scène avec distribution des détails, peinture des cœurs et profondeur des paroles qui lui donnent un charme incomparable. Dom Augustin Guillerand ne pouvait manquer de s’y arrêter longuement dans son commentaire biblique … laissons-lui la parole:
« C’était en plein jour, après une course sous le soleil qui avait fatigué le Maître, et ces détails ont aussi leur importance. Des âmes, dans la suite des temps, en seront émues; elles penseront à l’amour de Jésus pour les âmes, à ses efforts humains pour les rechercher, à ses heures d’épuisement, à toute cette nature humaine dont il a voulu prendre et ressentir toutes les misères pour les guérir et les relever, aux pensées et aux sentiments qui étaient les siens à cette heure … et que d’ailleurs il exprimera à la fin de la scène quand il montrera à ses disciples les immenses champs de blé qui jaunissent au monde des âmes et qu’ils devront moissonner. « Or il lui fallait traverser la Samarie ». Jésus fuit une haine pour en trouver une autre; mais la haine des Samaritains ne s’oppose pas à son rôle de Sauveur; elle s’attaque seulement à son titre de juif. Or son rôle de Sauveur déborde sa nationalité et il en profitera pour le faire connaître en son ampleur.
« Donne-moi à boire » (Jean 4, 7). Saint Jean, l’homme des petits détails qui peignent une scène et font vivre un personnage, nous montre le Christ épuisé par une course pénible et par la chaleur du plein jour. Il avait dû probablement fuir en hâte et fournir une longue étape pour échapper à une menace que le récit ne précise pas. Le récit court au but, et le but est l’entretien qui suit. Jésus reste seul pendant que ses disciples vont au ravitaillement; il se laisse tomber sur la margelle du puits et y attend les vivres. Mais un dessein secret dirige et anime tous ces détails. Une femme de la cité voisine vient à cette heure-là au puits pour prendre de l’eau.
C’est elle que Jésus attend; c’est d’elle qu’il va se nourrir de la seule nourriture qui compte vraiment pour lui et qui consiste à se donner. La conversation s’engage tout de suite et c’est lui qui l’engage, sans aucun souci ni de la fatigue, ni de la réputation. Il lui donne un tour de simplicité aisée qui caractérise tout ce qu’il dit et fait, mais qui ici atteint un degré extrême: il est fatigué; il fait très chaud; il a soif: il demande à boire. Cette demande est toute indiquée, surtout en ces pays d’Orient où les vertus sociales sont si bien observées. La femme a ce qu’il faut pour atteindre l’eau profonde; lui, n’a rien; elle ne peut refuser ce service. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 222 s)