« Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur; à lui, haute gloire, louange éternelle! ». Dieu se laisse voir dans ses œuvres et les contemplatifs le savent très bien. Laissons dom Guillerand nous expliquer plus en détails, et à sa façon inimitable, ce mystère de la révélation de Dieu dans la nature créée:
« N’aurais-je pas dû commencer par là, et me contenter de ce regard qui, impuissant à tout dire et à distinguer dans cette Beauté si pleine, admire tout en bloc et jette sa louange comme un bouquet de toutes les fleurs dont est composé Celui qu’elle adore? Car vous n’êtes pas un bouquet, vous n’êtes pas composé: toutes les fleurs sont en vous, mais elles ne sont qu’une fleur, et c’est à cette fleur que je m’adresse. Vous êtes la Beauté qui a fait toutes les beautés et s’est reproduite en elles. (…) Leur charme n’est qu’une expression pâle et lointaine du ravissement que votre vision me réserve. Ce que vous avez répandu de vous dans vos œuvres m’est précieux cependant. Elles vous représentent de très loin, elles vous représentent néanmoins, elles me font penser à vous: leurs insuffisances me disent ce que vous n’êtes pas; leur réalité me donne quelque idée de ce que vous êtes. (…)
Mon langage change un peu quand je parle des perfections bornées de la créature: son intelligence, sa volonté, par exemple. Alors je dis: Dieu est intelligence, Dieu est lumière, Dieu est libre, Dieu est amour. Mais entre la toute petite lueur d’intelligence qui est en moi et votre intelligence, la distance est telle que là encore ma perfection reste une ombre vague et lointaine. Je n’ose même pas y penser ni en écrire. Nous sommes sur la même ligne, il est vrai; mais je suis à l’extrémité opposée: ce que je comprends, comparé à ce que vous comprenez, n’est rien; nulle image créée ne me donne l’idée de ce qui nous sépare; et une fois de plus je me vois réduit à ne pouvoir confesser que mon néant et vous louer de ce seul aveu. (…)
Nul élan d’âme qui ne soit de Lui, nul mouvement matériel, nul glissement de rocher ou de montagne, nulle croissance de plante, nul épanouissement de rose, nul vole d’oiseau, nulle course d’animaux en mal de proie, nul cri en forêt, nul étincellement de sable au désert ou de vague dans l’océan, nul rayon de soleil dans l’air … Vous êtes là, vous intervenez, vous agissez, vous êtes moteur, vous êtes guide, vous êtes règle et exemplaire; et dans l’acte pervers, dans ce néant retourné qui refuse de vous obéir, l’être qu’il implique est encore de vous. (…) Je pourrais continuer longtemps ainsi, promener ma pensée à travers les lieux, les temps, la diversité des êtres, y consacrer ma vie. La Bible le fait; je le fais avec elle en mes Offices: « Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur ». Ma vie est pleine de cette louange et elle ne l’est pas encore ni assez, ni assez consciemment, ardemment, délicieusement. La lumière me manque qui me montre en ce chant la plénitude de ma vocation, et dans cette vocation la plus haute expression de l’Esprit de Dieu ici-bas. La lumière me manque qui ferait de ce chant le mouvement total de mon être, et le don parfait de moi-même à Celui qui en tout se donne, pour que je me donne à Lui en tout et que je Lui rapporte la note sublimée de ce tout. »
(Écrits spirituels, tome 1, page 76 – 79)