Après cinq ans d’anonymat sur WordPress, le temps semble être venu de lever le voile sur mon identité, tout au moins par délicatesse envers ceux et celles qui ont eu la patience de me lire ces dernières années. Rien de bien scabreux, rassurez-vous, mais tout simplement le compte rendu d’une entrevue «virtuelle» réalisée récemment par le journaliste québécois, Yves Casgrain. Mais précisons tout d’abord ce qui ne l’a pas été dans l’entrevue: je m’appelle Jacques Larose et je suis né le 18 octobre 1934 dans un petit village non loin d’Ottawa, capitale fédérale du Canada. Bonne lecture!
Année d’ordination (sacerdotale) ? Le 26 novembre 1960 à La Trappe d’Oka par l’évêque du diocèse (Saint-Jérôme), Mgr Émilien Frenette. À remarquer que j’étais entré au monastère en juin 1955 et que j’y avais fait profession solennelle le 17 juillet 1960.
Pourquoi être devenu prêtre ? Tout moine de chœur devait monter au sacerdoce ; c’était la norme et je l’ai acceptée. Ce n’était pas là mon premier désir (sinon je serais allé au Grand séminaire d’Ottawa ; Pointe-Gatineau étant, en 1955, encore rattaché au diocèse d’Ottawa). Donc, après 4 années de théologie au monastère, j’ai été ordonné sous-diacre, diacre et finalement prêtre.
Pourquoi être devenu moine trappiste ? Par désir de vivre une vie toute consacrée à Dieu dans le silence, le travail et la prière. Les livres de Thomas Merton sur la vie monastique m’avaient beaucoup influencé à cette époque. J’ai donc vécu 15 ans au monastère : en 1961- 1963, l’abbé dom Pacôme Gaboury m’a envoyé à Rome obtenir une licence en théologie et son successeur dom Fidèle Sauvageau a fait de même, de 1965 à 1967, pour une licence en Écritures Saintes. De retour, dom Fidèle me nomma maître des novices.
Pourquoi avoir quitté le monastère ? Après le Concile (1962-1965), quelques théologiens invitaient les ordres contemplatifs à se rapprocher du monde moderne (par exemple, le père Tillard o.p. allait jusqu’à suggérer aux carmélites d’ouvrir un lavoir dans un quartier défavorisé !). L’idée m’est donc venu d’établir, si possible, une annexe de moines trappistes dans un quartier de Montréal … sans me douter qu’au même moment, à Paris, le père Delfieux préparait la fondation des Fraternités monastiques de Jérusalem (1975). Donc avec toutes les permissions canoniques requises, je quittai le monastère en janvier 1970 pour m’établir dans le quartier de Pointe-St-Charles (Montréal) où je travaillai avec un organisme catholique anglophone Catholic Family and Children Services. Ayant rédigé un petit mémoire à l’intention du Chapitre Général de l’Ordre pour y présenter mon projet, j’en reçu une réponse négative à l’effet que cela ne cadrait pas avec la vie monastique traditionnelle vécue depuis le 12e siècle !! Le choc fut évidemment brutal et je n’avais pas les reins assez forts pour aller de l’avant tout seul (comme me l’avait maintes fois suggéré dom Fidèle). S’en suivi une période de réflexion radicale sur ma vocation, d’autant plus que le monastère à cette époque évoluait de façon exponentielle vers une plus grande ouverture au monde au détriment d’un idéal de solitude et de silence qui nous rapprochait (de l’aveu de mon ancien père abbé dom Pacôme) de la spiritualité des Chartreux. Ajoutons que divers problèmes minant la tranquillité du monastère (départ forcé de quelques jeunes moines dont le prieur du temps) ne m’incitaient plus à y retourner purement et simplement. Après quelques années de tergiversations et de prolongations d’indult, je pris la décision de demander mon incardination au diocèse de Montréal. Accepté temporairement en janvier 1978, je fus incardiné en janvier 1981.
En quelle année avez-vous choisi de vivre en ermite urbain ? Après avoir été successivement aumônier, vicaire et curé dans diverses paroisses du diocèse, je devins directeur de la Résidence Ignace-Bourget (2003-2012) sur le bord de la rivière des Prairies. La fermeture de cette résidence pour prêtres âgés fut pour moi le signal de la retraite (à 78 ans). Aux prises avec les aléas d’un cancer de peau, cette retraite me permit de m’occuper de moi sans pénaliser les autres. M’ayant trouvé un logement dans le même quartier, près d’un parc-nature, je me résolu d’embrasser une vie de solitude et de prière plus intense qui me renvoyait à mes premières années monastiques … je bouclais la boucle !
Sur votre blogue vous publiez l’horaire d’un chartreux. Est-ce à dire que cet horaire est également le vôtre ? Non, mais je m’en inspire beaucoup, d’autant plus qu’il me rappelle celui de la Trappe.
Vous demeurez dans un quartier où la nature a encore ses droits, l’avez-vous intégré dans votre vie d’ermite ? Accolé au parc-nature et donc à la rivière adjacente, mon logement est nécessairement envahi par une certaine atmosphère de contemplation silencieuse qui me fait du bien. Au début, mes marches dans la nature étaient plus fréquentes, il faut l’avouer, mais mon balcon me fournit également l’occasion d’en profiter.
Le 5 juillet dernier, vous avez écrit : « l’Église est avant tout une église missionnaire ! ». Vous considérez-vous comme un missionnaire ? Je me suis toujours considéré comme missionnaire dès le début de ma vie monastique en 1955. La mission est le propre de l’Église mais la forme missionnaire peut être différente selon nos vocations chrétiennes.
Un ermite urbain prend-il le temps de suivre l’actualité ? L’intègre-t-il dans sa prière ? J’écoute les nouvelles du soir (une demi-heure environ de télé) et je l’intègre évidemment dans ma prière ainsi que dans ma prédication dominicale (je célèbre la messe publiquement dans ma résidence chaque dimanche).
Vous confiez avoir une prédilection pour la prière durant la nuit. Qu’elle est, selon vous, la qualité première de cette prière ? Est-ce que la prière de nuit est différente de la prière diurne ? La prière nocturne est certainement différente de la prière diurne, mais il n’est pas facile de l’expliquer … est-ce dû au silence extérieur, au repos du corps, à une grâce spéciale accompagnant un certain sacrifice ??? Comme disent les Constitutions de l’Ordre des Chartreux, il est plus facile de l’expérimenter que de l’expliquer.
En 2015, vous avez décidé de publier votre blogue et votre page Facebook. Pourquoi ? J’ai toujours aimé écrire mon journal intime, car le fait de verbaliser mes idées m’aide à les mieux comprendre. Donc, lorsque le pape François a demandé aux prêtres d’être présents sur les médias sociaux, j’ai senti le besoin d’obéir, voilà ! J’ai commencé par mon blogue sur WordPress (car j’y lisais déjà régulièrement un blogue sur la vie cartusienne) puis, quelques mois plus tard, je me lançai sur Facebook. À remarquer que mon public-cible sur WordPress est plus restreint (ceux et celles qui ont soif de Dieu) alors que celui de FB est plus général.
Combien d’heures consacrez-vous à votre blogue et à votre page Facebook ? FB ne me demande généralement que quelques instants le matin et le soir (avec quelques visites durant le jour n’ayant ni cellulaire, ni tablette, mais uniquement un vieil ordi de table). Mes articles de WordPress exigent, quant à eux, une bonne préparation et des révisions constantes, même si je n’en rédige que deux par semaine. En somme, on pourrait dire que ce ministère électronique exige deux à trois heures par jour.
Cette ouverture sur le monde a attiré des croyants et des pèlerins en recherche. Comment se concrétise votre interaction avec eux ? Le plus souvent par de brèves réponses à leurs questions sur tel ou tel post de mon journal. J’ai aussi des contacts plus réguliers au moyen des courriels. Pas facile de repousser les demandes d’entrevue pour établir des contacts plus réguliers d’accompagnements spirituels … mais j’ai horreur de ces «pères spirituels» qui attisent la curiosité des foules et, malheureusement, la tentation est toujours là. Je me vois plus comme un éveilleur de conscience à la manière de Jean Baptiste … une voix qui crie dans le désert (et qui peut être remplacée facilement par une autre sans que le Royaume en souffre).
Peut-on dire que vous êtes un guide spirituel pour ces personnes ? Ma dernière réponse devrait suffire à ce sujet.
Comment est votre relation avec les gens de votre quartier ? certains savent-ils que vous êtes un ermite ? Non, je n’ai jamais senti le besoin de me présenter à eux comme tel.
Qu’apporte un ermite urbain dans la vie de son quartier, de son secteur pastoral ? Humainement parlant, pas grand-chose et c’est très bien ainsi car, encore une fois, la tentation est grande de se singulariser. Spirituellement parlant, le Seigneur seul peut répondre à cette question. Quant au secteur pastoral, je ne suis qu’un prêtre âgé à la retraite qui habite dans le quartier.
Savez-vous si Montréal possède d’autres ermites urbains ? Tout dépend de la définition donnée à « ermite urbain ». Officiellement, je ne crois pas qu’ils abondent … mais nombreux, je pense, sont ces croyants et croyantes qui vivent un idéal religieux dans le cadre de leur logement. J’ai été contacté par certains attirés par cet idéal, mais je dois avouer que leur premier attrait était plutôt la façon de s’habiller, etc. etc. ce qui ne laissait pas percevoir un appel très authentique de la part de Dieu.
Enfin, comment vivez-vous la crise planétaire provoquée par la covid-19 ? Personnellement, cela n’a pas changé grand-chose à mon style de vie (comme il fallait s’y attendre) mais cette crise planétaire imprévue me fit toucher du doigt la précarité de nos sécurités sociales et, partant, le rôle irremplaçable de nos convictions religieuses les plus fondamentales. Le Plan de Dieu se déroule fort bien … même si personne ne semble le comprendre!
Le prénom de la rose 😃
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Mieux vaut le Nom … (d’Ecco) que le Roman … (de Lorris et de Meung).
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Avez vous lu Sinu Jesu. Je vous aime beaucoup, God Bless your vocation.
Patricia
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No Patricia, I haven’t read this book, but thank you for letting me know.
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Merci Jacques pour le dévoilement de votre vie et de votre personne en particulier.
Pour tout vous dire, ce que j’apprécie chez vous c’est le style « enfouissement » tel le grain de sénevé ou la pincée de levure de l’évangile. Par votre blog WordPress, car je ne suis pas adepte de Facebook, vous me guidez sur le chemin spirituel, et souvent vous éclairez mes pensées, mes méditations. La variété des articles que vous proposez est précieuse d’autant plus qu’ils collent au temps liturgique. Ils complètent ainsi les lectures du jour ou du dimanche.
Merci de continuer à évangéliser les profondeurs, les périphéries, les personnes isolées. J’ai la chance d’avoir une activité importante auprès du curé de ma paroisse puisque je suis retraitée, et vos écrits contribuent à affiner mes recherches inlassables sur la manière de dire Dieu aujourd’hui.
Merci de tout coeur
Amitiés fraternelles en Christ
J.A
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Heureux de vous être utile, Jeannine. Je n’ai pas grand mérite dans tout cela mais j’apporte ma petite goutte d’eau à mes frères et sœurs … avec reconnaissance envers Celui qui me donne de le faire.
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Although I had little knowledge of how you came to be an « urban hermit » it has not impacted my deeper understanding of your calling. Now, however, I feel even closer to you, through your revelation above. Your words of wisdom have, been a glowing light across the many 1000s of miles, the depths of the sea and across the highest mountains. I need only express my gratitude to you for extending yourself to all your « spiritual children » through the online media.
You are needed and bring God closer to us all.
Thank you Fr Jacques!
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Thanks be to God.
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