D’après Jean Vanier, le mot AMOUR est tellement sur-utilisé de nos jours qu’on finit par se demander ce qu’il signifie. En ces temps qui courent, le terme AMITIÉ, surtout entre deux hommes, risque également d’être mal interprété ou tout au moins être tenu pour suspect. Dans une société qui se plaît à tout expliquer par une « sexualité refoulée », nombreux sont ceux qui n’arrivent plus à comprendre la possibilité d’une saine amitié. En ce deux janvier, l’Église catholique célèbre la fête de deux grands amis devenus par la suite évêques et docteurs de l’Église, au 4e siècle: Basile de Césarée et Grégoire de Nazianze. Voici comment Grégoire décrit son attachement à Basile, alors que les deux étudiants co-habitaient dans la ville universitaire d’Athènes:
« Non seulement, je portais personnellement à mon grand Basile beaucoup de respect parce que je voyais en lui une conduite sérieuse et une parole avisée, mais j’essayais aussi d’inspirer le même sentiment aux autres, qui n’avaient pas eu l’occasion de le connaître. (…) Ce fut le début de notre amitié, de là est né l’étincelle qui nous a unis; c’est ainsi que nous avons reçu la blessure de notre amitié mutuelle. Au bout d’un certain temps, nous nous étions avoué notre passion commune, à savoir que nous n’avions d’ardeur que pour la philosophie (l’amour de la Sagesse). Alors nous fûmes tout l’un pour l’autre; ayant même toit, même table, même vie, même horizon, unissant chaque jour notre commun désir avec plus de chaleur et plus de force. (…)
Nous n’avions tous deux qu’une seule affaire: la vertu, et notre vie était dirigée vers les espérances futures, pour nous préparer à quitter ce monde en y renonçant déjà. C’est dans cette perspective que nous organisions toute notre vie et notre manière de faire. Nous nous laissions conduire par la loi de Dieu en nous excitant mutuellement à l’amour de la vertu. » (Extrait de l’oraison funèbre prononcée par Grégoire aux funérailles de Basile)
Cette amitié les a soutenus tout au long de leurs vies de moine et d’ecclésiastique : Basile, homme d’action, s’est distingué comme premier législateur de la vie cénobitique (moines vivant en communauté) et Grégoire comme éminent théologien. Les deux sont devenus évêques malgré eux, sans pour autant refuser d’en remplir les charges: Basile devint évêque de Césarée (Turquie centrale) et s’y révéla champion de la justice sociale au point d’être surnommé dès son vivant «Basile le Grand». Grégoire, évêque de Nazianze et pour 18 mois évêque de Constantinople. fut avant tout un contemplatif; néanmoins, orateur puissant et écrivain éclairé, il se mérita le titre de « Grégoire le théologien ».
Ainsi se concluait une longue et fructueuse amitié toute à la Gloire de Dieu et à l’épanouissement de ceux qui l’avaient cultivée.