Les évangiles n’étant pas des biographies de Jésus mais des mises par écrit de la prédication des Apôtres, il est normal que ces documents, tout en se référant principalement à la mort du Christ, ne nous aient pas transmis tous les détails de la crucifixion. Ainsi, l’évangéliste Marc résume de façon très succincte cet évènement « Et ils (les soldats romains) lui donnaient du vin mêlé de myrrhe, mais il n’en prit pas. Puis ils le crucifient et se partagent ses vêtements en tirant au sort ce qui reviendrait à chacun » (Marc 15, 23-24). Les autres évangélistes ne sont pas plus loquaces à ce sujet … et on peut le comprendre d’une certaine façon, car ce genre de supplice, des plus fréquents dans l’empire romain, était malheureusement très connu des premiers lecteurs. Notons que cette mort humiliante, réservée normalement aux esclaves, n’était pas infligée aux citoyens romains.
À deux mille ans de distance, il n’est peut-être pas inutile de se remémorer aujourd’hui certains éléments de la passion de Jésus qui, pour diverses raisons, risquent d’être banalisés. S’il convient de ne pas tomber bêtement dans un certain voyeurisme, il faut bien avouer par ailleurs que plusieurs représentations du divin crucifié versent dans l’angélisme le plus naïf : tel un beau Jésus, tout propre et quasi intègre, tenant aisément de brefs discours avec son entourage pour ensuite mourir presque subitement, sans convulsions. Or la torture infligée aux crucifiés était toute autre chose qu’une mort tranquille!
Et tout d’abord, rappelons brièvement les souffrances infligées au Christ avant son arrivée au Calvaire. En premier lieu, une flagellation inhabituelle (imposée par un gouverneur désireux d’attendrir la foule), subterfuge cruel qui s’est avéré inutile mais dont le corps de Jésus a fait les frais. Puis une séance de moqueries et de sévices gratuits infligés par la garde du prétoire pour ridiculiser sa royauté messianique. Enfin, l’acheminement des condamnés au lieu d’exécution, chacun portant son patibulum (partie transversale de la croix destinée au crucifiement) : déambulation pénible dans les ruelles de Jérusalem, chutes fréquentes et non protégées par les mains ligotées à la poutre : ecchymoses et visage tuméfié (le Saint Suaire de Turin, examiné soigneusement par Mgr Giulio Ricci, révèle entre autres blessures tant un nez fracturé qu’un œil droit complètement bouché). Au cours du trajet, l’état piteux de Jésus obligea les soldats à réquisitionner l’aide d’un passant pour porter la poutre derrière lui.
Quant à la crucifixion proprement dite, elle pouvait se faire de diverses manières, allant de l’attachement avec cordes (prolongeant ainsi des jours entiers la torture infligée) au percement des mains et des pieds avec clous de fer. Le choix était souvent aléatoire et laissé aux exécuteurs mais, dans le cas de Jésus, on connaît la décision prise. Il était 9h, nous dit saint Marc. Les soldats commencèrent par clouer les mains au patibulum (le docteur Pierre Barbet suggère une percée aux poignets alors que le pathologiste Frédéric Zugibe opte vers le haut de la paume des mains). De toute façon, le sectionnement des muscles ne pouvait que provoquer une douleur atroce à la victime. Puis venait la fixation du patibulum au poteau vertical déjà en place et finalement le percement des deux pieds, l’un par dessus l’autre, à l’aide d’un seul clou. C’est alors que la souffrance du crucifié atteignait son paroxysme car, pour respirer, il devait se dresser vers le haut (en s’appuyant douloureusement sur le clou des pieds) pour ensuite s’abaisser et ressentir l’exacerbation des douleurs aux mains. La crucifixion des pieds nécessitait donc la flexion préalable des jambes pour permettre ce mouvement respiratoire, sinon c’était l’asphyxie au bout de quelques minutes. C’est dans ce contexte de mouvements pénibles et répétées qu’il nous faut placer les quelques mots prononcés par Jésus, balbutiements à peine audibles mais que les évangélistes nous ont minutieusement transmis. L’aggravation inexorable des convulsions du crucifié laisse présumer que la plupart des échanges verbaux eurent lieu dans les premières heures de la crucifixion. La posture du Christ en croix n’avait donc rien de statique (comme semblent le supposer nos crucifix traditionnels) et notons que ses spasmes d’agonisant ne prendront fin qu’à sa mort, vers 3h de l’après-midi. Les malfaiteurs, quant à eux, ont-ils été attachés à leur croix avec des cordes ? Impossible de le savoir, mais leur facilité apparente de converser ainsi que la nécessité de leur fracturer les jambes pour hâter leur mort semblent l’indiquer.
Mort ignominieuse du Messie, mystère insondable de souffrances de toutes sortes ! Pourquoi devait-il en être ainsi ? Toute réponse valable ne peut que se retrouver dans la sagesse du Plan divin qui nous échappe. En célébrant la Passion du Christ, puissions-nous obtenir de participer à ce mystère en produisant des fruits de sainteté !
Let us never ever fprget! 😪
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