Vicaire depuis à peine un an à la paroisse montréalaise de Saint-Louis-de-Gonzague, je ne me doutais pas, en me couchant le soir du 13 décembre 81, que je vivrais dans quelques heures une histoire des plus rocambolesques.
Disons-le tout de suite, je n’ai jamais été en faveur du bingo paroissial organisé par mon curé et d’ailleurs je n’y ai jamais assisté. Pourtant, j’en fis les frais cette nuit-là lorsque deux voleurs s’introduisirent sans bruit dans le presbytère, pour mettre la main sur les recettes du bingo de la veille. Réveillée en sursaut et menacée d’un revolver sur la tempe, la ménagère cru bien faire en les dirigeant non vers la chambre du curé (âgé et nerveux) mais plutôt vers la mienne (merci bien, Antoinette !). Averti par cette dernière qu’un paroissien avait un besoin urgent de prêtre, j’allais tranquillement ouvrir ma porte de chambre lorsque l’un des voleurs, impatient et craignant sans doute un appel téléphonique, défonça la porte et, surpris de me voir si près de lui, me tira une balle à bout portant. Je me retrouvai subitement étendu à terre, me demandant bien ce qui pouvait m’arriver tout en distinguant une odeur de poudre dans l’air. Le voleur en question se pencha immédiatement sur moi pour voir la gravité de ma blessure (et non « pour me demander pardon » tel que rapporté faussement par les journaux). Estimant la blessure légère, alors que le poumon gauche avait été perforé de bord en bord, les malfaiteurs introduisirent curé et ménagère dans ma pièce pour leur soutirer l’endroit du pécule … sans succès, car le curé n’en était pas, paraît-il, à sa première expérience de vol ! Après une interminable période d’interrogation, et voyant que je perdais de plus en plus de sang, les deux compères (plutôt sympas) se retirèrent bredouilles non sans avoir empoché, comme prix de consolation, une partie de la quête dominicale. Je vous fais grâce du branle-bas qui s’en suivit avec appels d’urgence, ambulance, hospitalisation, transfusions de sang, etc., etc..
Bon, même si quelques confrères m’ont accusé gentiment d’être aller trop loin dans ma dévotion envers le pape (Jean-Paul II, tiré également sept mois auparavant, soit le 13 mai), l’écart demeure néanmoins immense entre Karol Woytila attaqué en haine de la foi et mon humble personne « martyr du bingo » (selon l’expression taquine du père Daniel-Ange, rencontré en 1984 alors que j’étais depuis peu curé de Sainte-Brigide). Je crois néanmoins que la même Providence y a joué un rôle déterminant, et pour cela j’en rends grâce à Dieu. Ses voies sont parfois étonnantes, pour ne pas dire mystérieuses; rien ne lui échappe, pas même un cheveu de notre tête !
En guise de corollaire, j’ajouterai que chaque année, depuis quarante ans, j’envoie des fleurs au Carmel en la fête de saint Jean de la Croix (14 décembre). Petit clin d’œil à ce docteur mystique de l’Église qui a parlé si brillamment de la transverbération de l’âme aimante et dont la fête m’aura permis de verser un peu de mon sang pour l’église diocésaine … seule véritable consolation, suite à une tragique transverbération de poumon.
Wow Fr Jacques – a narrow escape and a « hero of Bingo! »
As horrible as it may sound, I am happy to hear these things happen everywhere, not only in « darkest » (not really brightly shing in the Sun) Africa.
I, at least, am happy you were spared so that I could meet you 40 years later. 🙏🤗
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